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High Way To Heal (Louise VS fibro)

J6 : 9h30. Boker tov. (ce joli petit bruit veut dire "bonne journée" En

8 Juin 2016 , Rédigé par Louise Vayssié

J6 : 9h30. Boker tov. (ce joli petit bruit veut dire "bonne journée" En Hébreu.) Petite grasse mat' aujourd'hui. Une bonne nuit malgré un dos en feu, suite à une sieste opportune hier sur la plage, le nez dans ma serviette. À part ma grande amie Christine, hyperlaxe de nature à un point qu'elle aurait pu être contorsionniste (et actuelle correctrice de ce blog, grand merci à elle), je ne connais personne capable de s'auto-crèmer le dos. J'ai donc cramé, mais rien de grave demain il n'y paraîtra plus. Ce matin, un vent à decorneed beef (comme on dit chez moi), chaud comme un décapeur thermique, retourne aux cous des pigeons bleus les plumes. Je ne vois pas la mer d'ici, mais je l'imagine en furie. Ici, comme dans beaucoup d'autre grandes villes, ça grouille de pigeons. Et j'aime pas les pigeons. La plage en est remplie. Ils sont là, à picorer du sable, partout. Tout juste s'ils vous bouffent pas les pieds. J'agite ma canne de temps en temps pour éloigner les plus familiers d'entre eux. Barre toi de mon sable, sale bête ! J'aurais préféré des mouettes. Finalement, pas de marché ce matin. Je crois que je vais attendre d'avoir fini les allers-retours au Sagol Center pour faire du tourisme... Chaque chose en son temps. De nouveau en route pour le Sagol, prête à me faire observer le cerveau à la loupe. Je me demande encore une fois ce qu'ils vont bien pouvoir y trouver. À dire vrai, j'ai un peu peur. Je m'imagine tout un tas de choses. Et si... Et si... Et si... Encore une fois rien de rationnel, mais la raison a ses raisons que la raison ignore parfois. Je n'aurai le résultat que demain, avec le reste et le grand patron. Enfin je crois. La différence de chaleur entre le bord de mer et le Sagol est impressionnante. Dans les terres, l'air brûle les poumons. Déjà près de l'eau, c'est raide, mais là ! Aujourd'hui j'ai bien l'impression que ça va battre des records. "Il fait trop chaud pour travailler.." Petit couac aujourd'hui au Sagol Center. Je suis arrivée comme à mon habitude bien en avance et me suis posée dans la salle d'attente air-conditionnée. Puis, comme son nom l'indique, j'ai attendu. À 13h passées, un soupçon inquiète de n'avoir vu encore personne venir me chercher, je suis allée demander à l'accueil à la très gentille dame de l'accueil qui avait enregistré mon dossier le premier jour, qui parle un peu français et dont j'ai oublié le prénom. Elle m'apprend que pour passer un brain spect, c'est pas du tout là, qu'on aurait dû me prévenir, que c'est pas de ma faute, mais que ça craint, parce que du coup je suis très en retard, et qu'elle espère qu'ils vont me prendre. En vrai, elle a pas dit "ça craint". Dis ! Moi aussi j'espère qu'ils vont me prendre ! J'en ai fait des bornes pour venir le passer, ce braintruc.. Elle passe deux ou trois coups de fil, arrange le couac, repasse un coup de fil et me rassure. On va me prendre au brainchose, mais comme c'est loin, on va venir me chercher en voiture. Je souffle. Là dessus, un gars en blouse vert-hôpital arrive, tente de prononcer "Laouiche Vessia", je me reconnais, me lève et le suis. Il ne parle pas un mot d'anglais. En voiture, il m'emmène dans un dédale de bâtiments beaucoup plus vétustes que le Sagol et de plus en plus, puis dans un dédale de couloirs vaguement sinistres, puis dans un ascenseur délabré. Je ne fais pas la fière. A nouveau cette chose qui tourne dans ma tête. Mais qu'est-ce que je fous là, vindieu ! Puis on arrive, il me colle dans la salle d'attente et s'en va expliquer qui je suis à l'accueil. Il m'explique avec des gestes que je dois attendre là, qu'on va m'appeler et s'en va. D'accord. Je me rends compte assez vite que les patients sont appelés par un haut-parleur au son de fête foraine, en hébreu évidemment. Je tente de reconnaître mon nom à chaque appel. Je fini par l'entendre distinctement au milieu de sons incompréhensibles. Je vais dans le couloir où il me semble que je dois aller. Là, je suis accueillie par un petit bout de femme à l'air jovial. Elle m'enlève mon angoisse immédiatement. Elle s'appelle Irène, parle un très mauvais anglais en roulant magistralement ses "r", mais est extrêmement gentille et très très drôle. Pendant qu'elle s'affaire, elle me dit que le Sagol Center fait des miracles. Elle a un ami qui a fait un AVC il y a quelques temps. Il avait tout perdu, la parole, la mémoire, la marche, ne reconnaissait plus sa femme ni ses enfants. Il a été soigné au Sagol Center à coup de caisson hyperbare. Il a tout retrouvé et repris une vie normale. Bon sang de bois ! Il faut que j'en parle à mon ami Aleco, victime il y a 3 ans, ou 4 je ne sais plus, d'un AVC lui aussi et qui peine à guérir. Je l'appellerai dès mon retour. Bon sang ! Ensuite de quoi elle prépare mon bras gauche pour une intraveineuse et me dit qu'elle revient dans un quart d'heure, pendant lequel il faut que je ne fasse rien. Pas parler, pas téléphoner, pas dormir et si je peux, pas penser. Elle m'explique encore quelle reviendra m'injecter un produit radio-actif qui ira éclairer mon cerveau, puis que j'attendrai encore un quart d'heure d'inactivité totale avant le scanner. D'accord. Ne pas penser. "Je ne pense à rien...Cerise." César, tu t'en souviens ? "Je ne pense à rien...Cerise." César, c'est mon frère cadet, par rapport à mon aîné, moi-même étant la benjamine. Il n'a pas de chien. Ne pas penser. Elle en a de bonne, la gentille dame. Si elle savait à quel rythme bouillonne mon cerveau ! Alors je décide de suivre toutes les lignes droites de la pièce avec mes yeux. Ne pas penser. Mais j'ai vite fait le tour, la pièce est toute petite. Ne pas dormir. Je recommence dans l'autre sens. Ne pas penser. Je fini par étudier dans le détail une boîte de gants de chirurgien d'une joli couleur violette qui tire sur le bleu gauloise. Finalement le temps passe assez vite, Irène vient me chercher au bout des deux quarts d'heures et après être passer vite fait à la mi-temps pour m'irradier. À nouveau j'ai le droit de parler, de penser, de dormir. Ce que je fais une fois dans la machine qui fait ping. Il fait un froid de canard là dedans, et j'ai hâte d'en sortir pour avoir à nouveau trop chaud. L'examen dure plus d'une 1/2 heure. Je dis au revoir à Irène et m'en vais. Voilà, alea jacta est. Y a plus qu'à attendre demain en croisant les doigts. Et je me répète qu'il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre. Le taxi du retour était désagréable au possible. Au point que je lui ai dit de m'arrêter là, je vais finir à pied. Hé va donc ! Hé ! Patate ! Je n'étais pas si loin que ça.. Mais pas si près non plus. Sur le chemin je me suis sentie pas très bien, j'ai d'abord pensé au produit radio-actif, puis je me suis souvenue que je n'avais pas mangé. J'ai croisé une boulangerie israélienne et jeté mon dévolu sur une galette plate et verte avec des graines dessus. J'ai supposé qu'elle était à base d'huile d'olive, de basilic et de sésame. J'ai vu juste. Un vrai régal. Je me suis dépêchée de l'ingurgiter avant d'arriver à l'auberge, un des gars fait le ramadan, je ne veux pas lui manger sous le nez. Tatie Danielle était dans notre chambre. Elle me raconte qu'elle s'est tordue la cheville, qu'elle peut plus marcher. Qu'elle a dû laisser son sac à main à la réception, trop lourd pour elle. Bonne poire mais pas tout à fait dupe, je propose d'aller le lui chercher et m'execute. Un quart d'heure plus loin, elle gambadait dans le couloir. Cette vieille dame reste un mystère pour moi. Que fait-elle là, toute seule ? Sans lui faire totalement confiance, sans la laisser me coller trop, je l'aime bien quand même. Sans doute me fait-elle un peu de peine. Puis je me suis posée sur la terrasse pour en griller une avec mon copain Nathanaël. Il m'avoue, avec ce petit sourire malin dont il a le secret et son petit cheveux sur la langue, qu'hier, il a fait une folie. Il s'est acheté à prix d'or un camembert français. Le plus odorant. Je lui ai promis que si je revenait, je lui apporterai une petite sélection de fromages qui puent. Puis il m'a raconté toutes sortes d'anecdotes. Ses fils qu'ils ne voyait plus depuis son divorce (15 ans maintenant), l'attentat de Jérusalem dont il a réchappé de justesse et comment, alors qu'il était couvert d'un sang qui n'était pas le sien, il s'était relevé, avait demandé une cigarette et était allé secourir d'autres malheureux, parfois sans succès et d'autres histoires pas toujours très drôles, mais pas toujours tristes non plus. Il raconte ça avec philosophie, heureux, grâce à Dieu comme il dit, d'être toujours en vie malgré que dès le début de sa tendre enfance, il n'a pas eu toutes les chances de son côté. "Tu comprends, je suis juifs et fier de l'être, c'est pas la meilleure façon de commencer sa vie." Oui, depuis ce matin nous avons décidé de nous tutoyer. Plus j'en sais sur lui, plus je comprends son attachement à moi. À apprécier la douceur de vivre de cette ville, j'en oublie que je suis dans un pays en guerre. Cinq cigarettes plus tard, il est parti se faire beau car ce soir il sort, et je suis partie direction la plage pour un petit piquage de tête de fin de journée, dans une mer effectivement agitée, mais pas trop. C'est l'heure de mon spectacle préféré. Le vent s'est rafraîchi j'aurais presque froid. La fatigue sans doute. Oui, fatiguée, plus qu'hier, moins que demain. Et surtout anxieuse. Comment vais-je réagir si je ne suis pas éligible au traitement. Comment digérer la chose. Comment envisager la suite si je comprends qu'il y a peu de chance que je guérisse un jour. Et si je reviens, où vais-je trouver l'énergie de refaire tout ça et plus encore, vais-je trouver les sous nécessaires... Ouais, j'ai un coup de mou. Normal je suppose. Mon autre copain d'ici, celui qui fait le ramadam, sans doute sensible à la mélancolie que je dégage, me demande si je veux boire un coca, un café, un thé. Je me retiens de lui dire que je prendrais bien un triple whisky, je respire un grand coup, et lui dit que tout va bien. Il me donne du "Lady", ça me fait rire et j'aime ça. C'est vrai tout va bien. Il me dit aussi, dans un anglais parfait qu'il aime bien m'entendre parler français même s'il n'y comprend rien et qu'il a toujours pensé que la langue française avait été inventée pour être parler par des femmes et seulement par des femmes. Il me change les idées. Je re-respire un grand coup. Oui, tout va bien. A chaque jour suffit sa peine, comme dit ma Maman. "Always take the bright si-ide of life.." Et tout d'un coup, au moment où je m'apprête à finir ces lignes, on entend s'approcher une sono genre voiture tunée, crachant une musique traditionnelle de plus en plus fort, puis, dans la rue sous mes yeux écarquillés, déboule un char illuminé comme un manège, puis deux. Puis une foule qui danse. Au milieu de la foule, une sorte de petit barnum noir décoré d'or, porté par des gars tout aussi décorés. Sous le barnum, un jeune garçon en habit traditionnel danse en portant un drôle de gros objet qui brille. Je me renseigne : une barmitsvah. Magique. Cette scène d'un autre monde fini de me remette du baume au coeur. "Always take the bright si-ide of life !" Shalom.

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